Les Echos
2014
Judith Benhamou-Huet, « Foire de Maastricht : une qualité muséale », Les Echos, 14 mars 2014 :
« La Foire Tefaf, qui se déroule jusqu’au 23 mars dans la cité hollandaise, offre toujours un haut niveau de qualité, surtout dans les tableaux anciens.
Pour voir les grands tableaux de l’histoire de l’art, c’est ici qu’il faut venir. La Foire Tefaf de Maastricht, qui attire les collectionneurs majeurs et les conservateurs des grands musées du monde, se visite comme une institution.
C’est ici, par exemple, protégé dans la réserve du stand du New-Yorkais Adam Williams, qu’on peut admirer une des rares peintures du Greco (1541-1614) à vendre. Le maître espagnol, né en Crète, est d’abord passé par une formation italienne qui a influé sur son style. C’est à cette époque qu’il réalise le portrait d’homme présenté à Maastricht, inspiré par le style du Tintoret, qui est à vendre pour 1,7 million de dollars. Le personnage tout de noir vêtu montre un regard inquiet tandis que ses mains sont ornées de plusieurs bagues. Au verso, une inscription indique que le modèle a posé le 2 juin 1570.
Alors qu’on peut visiter en ce moment à Bruxelles une rétrospective du peintre espagnol Francisco de Zurbaran (« Les Echos » du 31 janvier), le marchand italien installé à Paris Maurizio Canesso présente à Maastricht une oeuvre comparable à l’une de celles qui figurent au musée des Beaux-Arts. Il s’agit d’une représentation de la vierge enfant, endormie, l’un des sujets popularisés par le maître au XVIIe siècle.
Sur un fond sombre, une petite créature angélique et potelée vêtue d’une robe rose s’est endormie en pleine lecture. Le tableau, particulièrement lumineux, provient d’une collection du sud de la France. Il est à vendre pour 2,5 millions d’euros.
Vidéo de Bill Viola
Au Musée d’Orsay, a été inaugurée cette semaine une exposition consacrée à Vincent Van Gogh et l’interprétation de son travail par le poète et artiste Antonin Artaud. Sur le stand de Dickinson, de Londres et New York, est aussi présentée une toile de Van Gogh datée de ses débuts parisiens. Elle représente dans des tons pastel un sujet typiquement montmartrois : le moulin de la Galette. Le marchand ne tient pas à en donner le prix, mais certains professionnels estiment qu’elle pourrait se négocier autour de 30 millions de dollars.
Il y a quelques jours ouvrait au Grand Palais, à Paris, une rétrospective consacrée à l’artiste américain Bill Viola (né en 1951). Il est certainement l’artiste le plus reconnu dans sa discipline, l’art vidéo, mais sa production pour les particuliers reste restreinte. Sur le stand de la galerie de Séoul Kukje, une vidéo de 2002, « The Last Angel », une édition de 5 exemplaires présentée sur un grand écran plasma, est à vendre pour 380.000 dollars.
A la Tefaf, l’oeuvre qui devrait attirer par excellence les nouveaux acheteurs chinois, qui font rêver la planète entière du marché de l’art, est un plat de 40 centimètres de diamètre, exposé sur le stand des Britanniques Littleton et Hennessy. Il a été conçu pendant la dynastie Yuan (1279-1368) alors que sous l’empire dirigé par le Mongole Kubilai Khan était mis au point des techniques de fabrication sophistiquées de la porcelaine.
C’est à ce moment que le cobalt fut introduit dans le pays pour servir dans le fameux décor bleu. C’est un dragon bleu, symbole d’éternité qui orne ce plat, certainement commandé par l’empereur, et proposé pour près de 15 millions d’euros. Il existe seulement 13 pièces de ce genre et une seule autre est encore en mains privées, selon James Hennessy. L’ancien expert de chez Christie’s raconte que des amateurs d’Asie et des Etats-Unis font spécialement le déplacement pour voir la pièce. Aujourd’hui, certains parmi les plus riches des Chinois de Chine continentale cherchent à racheter les trésors impériaux dispersés à l’étranger afin d’être appréciés du pouvoir central et James Hennessy estime que dans le domaine des porcelaines impériales les prix ont été multipliés par 20 depuis les années 1990. Le plat à décor de dragon bleu appartenait à une collection privée canadienne.
Dans la spécialité des arts décoratifs français, on constate une légère relève avec l’arrivée remarquée d’un nouvel opérateur, Christophe de Quénetain, associé pour l’occasion à Marella Rossi. Ils exposent des objets d’exception et particulièrement décoratifs comme un coffre entièrement recouvert de tapisserie à décors bibliques, tissé de fils d’or et d’argent de la fin du XVIe siècle (250.000 euros).
Un Kazuo Shiraga à vendre plus de 1,5 million d’euros
L’une des tendances à la hausse les plus fortes dans le marché de l’art contemporain, également bien représenté à Maastricht, est celle consacrée au mouvement japonais d’après-guerre Gutaï (1954-1972). En France, c’est le critique d’art Michel Tapié qui a défendu ces artistes qui utilisaient peinture et performance pour développer une expression radicale, voire anarchiste post-explosion nucléaire.
L’an dernier, une exposition au Guggenheim a donné un sérieux coup de fouet à cette production longtemps marginalisée. Sur son stand, la galerie d’Axel Vervoordt présente plusieurs pièces des années 1960 d’un des leaders du groupe, Kazuo Shiraga (1924-2008) à vendre pour plus de 1,5 million d’euros. La galerie Bérès expose aussi un de ses tableaux, tout en matière et en mouvement, abstrait dans les tons de noir, daté de 1964, à vendre 1,4 million d’euros. Le prix d’une peinture du Greco… »