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The Art Newspaper

2018

Alexandre Crochet, « Portrait de Christophe de Quénetain, nouvel homme fort de la Tefaf », The Art Newspaper, 8 mars 2018, n° 4, pp. 8-10 :

« Fraîchement nommé membre du bureau exécutif et du conseil d’administration de la fondation, responsable de la section Antiquités – la plus importante historiquement pour la foire de Maastricht qui ouvre au public samedi 10 mars -, le Français en est devenu l’un des hommes-clefs. Retour sur son parcours. Pour intégrer le très sélect Club des Cent, il faut passer un grand oral digne de Sciences-Po. Bachoter, la peur de l’échec au ventre, comme un vulgaire étudiant, même quand on est un capitaine du CAC 40 aux tempes argentées. N’entre pas qui veut dans cette « loge » de la gastronomie qui réunit entre autres studieux gourmets Erik Orsenna, Claude Bébéar ou Martin Bouygues. Fier d’en faire partie, l’antiquaire Christophe de Quénetain est sans doute plus jeune que la moyenne des membres… Bien des liens se nouent autour d’une grande table, Talleyrand réunissant la fine fleur de la diplomatie européenne autour de soupers fins l’avait bien compris. Dans un esprit très français, intuitu personae et bonne chère font souvent bon ménage…C’est lors d’un repas à une table étoilée de la capitale en compagnie de l’expert Konrad Bernheimer, pilier dela Tefaf, que Christophe de Quénetain a été conduit « naturellement », dit-il, à franchir la porte d’un autre club fermé, celui des instances dirigeantes de la plus prestigieuse foire d’art et d’antiquités du monde.Des responsabilités qu’il n’a «jamais cherchées ». A l’issue de cette édition, baptême du feu pour ce spécialiste des XVIIe·XVIIIe et début du XIXe siècles, l’antiquaire prendra la suite de Ben Janssens, autre pilier de la foire, aux fonctions de chairman de la section Antiquités. « J’admire son goût, c’est un successeur sensible », confie celui-ci. Si l’arrivée de ce jeune quadra marque à l’évidence un renouvellement générationnel pour la manifestation, pour Ben Janssens, ce rajeuni ssement n’a rien de spectaculaire :« Quand je suis entré au bord j ‘avais trente ans, et quand j’ en suis devenu chairman, quarante-neuf », précise-t-il. Cette nomination – officialisée en juillet dernier – s’accompagne toutefois d’un double paradoxe. Christophe de Quénetain travaille « en chambre » entre Paris et Londres, sans espace physique comme la plupart de ses confrères établis de longue date ou issus d’une dynastie de marchands.« Une galerie physique, c’est un fil à la patte, justifie-t-il. Les Agnelli ou Bruni-Tedeschi [le père de Carla, ndlr] qui faisaient le tour des antiquaires à Paris, c’est fini. Aujourd’hui,leurs successeurs préfèrent attendre les foires ». Autre curiosité :il est encore relativement frais à la Tefaf Maastricht, où il n’a mis un pied comme exposant qu’en 2011 au tremplin du showcase avant de disposer d’un vrai stand l’année suivante. Tout autant que pour sa jeunesse synonyme d’implication dans la durée, l’antiquaire a été choisi pour son pédigrée long comme les notices des meubles et objets qu’il vend. Les étrennes d’un grand-père actif dans l’immobilier lui permettent de faire très tôt ses premières acquisitions. Un beau-père plus intellectuel a pour amis les artistes Jean Lurçat et André Dunoyer de Segonzac…Il se lance à son compte en 2001 après un passage à la galerie de tapis et tapisserie Chevalier à Paris. Les études ne l’effraient guère. Diplômé de l’Université Paris-Sorbonne, de l’École pratique des hautes études (EPHE), de l’École Boulle (GRETA) où il se confronte de manière pratique à l’ébénisterie, ou encore de l’École du Louvre, il a écrit deux thèses. L’une porte sur Nicolas Besnier (1685/86-1754), orfèvre de Louis XV et directeur de la Manufacture royale de tapisseries de Beauvais. L’autre concerne l’ébéniste du XVIIIe siècle Pierre Garnier (1726/27- 1806). Le parcours académique de Christophe de Quénetain est celui d’un passionné de recherches mais aussi d’un marchand avisé qui a compris que l’expertise et le savoir sont plus que jamais indispensables dans un domaine où, comme on l’a vu récemment, les affaires de faux se multiplient. À l’heure où « le marché est deplus en plus exigeant et où beaucoup de choses sont dans les musées », souligne-t-il, il réaffirme haut et fort l’importance de la connaissance qui conduit à des redécouvertes. Celles-ci lui ont permis de vendre de nombreuses pièces à des musées tels le Metropolitan Museum de New York ou le Musée national de la Renaissance d’Écouen, auquel ii a cédé un coffre en tapisserie et fils d’or et d’argent du XVIe siècle. Classique comme les antiquités qu’il défend et la coupe de ses costumes, Christophe de Quénetain est toutefois conscient qu’on ne peut plus présenter meubles et objets d’art comme jadis. Avec la complicité de Marella Rossi, de la même génération, il a modernisé ses stands de la Tefaf, confiés plusieurs années consécutives à l’architecte d’intérieur Pierre Yovanovitch puis cette année à son confrère Charles Zana. Son motto : moins de pièces sur des stands épurés ponctués d’un zeste d’art récent. « Christophe est très classique et sérieux, je le houspille unp eu », reconnaît Marella Rossi, qui a classiques, mobilier et objets d’art, textile, art tribal, orfèvrerie », explique-t-il. Au conseil d’administration, il participera « aux grandes orientations. Ses statuts ont été modernisés en septembre 2017 avec notamment l’ouverture à d’autres membres que des marchands ». Quant au comité exécutif, organe de décision pratique, il se réunit une fois par mois sous la houlette de Nanne Dekking, le président de la Tefaf, les chairmen des différents secteurs, un autre marchand et des conservateurs. « Le résultat est plus d’efficacité, plus de transparence dans la prise de décision, et d’ouverture à d’autres points de vue que ceux des marchands.» Le Français devra aussi superviser le vetting, point névralgique pour la réputation de la foire. Conscient d’une contraction dans le domaine des antiquités, il souhaite attirer de jeunes antiquaires prometteurs via le showcase. Et reste « attaché à ce qu’on apporte des olJ.jets très importants à la Tefaf po ur que les clients compr ennent qu’ilfaut y aller, sans trop communiquerp our réserver l’effet de surprise ». apporté un vent frais à la vénérable galerie Rossi place Beauvau, avec notamment une intervention de Daniel Buren, avant de créer récemment sa propre structure de conseil, artlink.fr. Bombardé à quarante-deux ans chairman des Antiquités, Christophe de Quénetain ne semble pas effrayé par ces grosses responsabilités.« Cette section représente environ la moitié des exposants au sol. Je pèserai par exemple pour faire entrer un nouvel exposant dans ce domaine qui englobe les antiquités. »